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jeudi 25 juin 2015

Uberisation & charliméro des professions

Les actions "coup de poing" des professions se faisant "uberiser" se multiplient, parfois au sens littéral, comme l'ont démontré des taxis qui en sont venus aux mains avec un client d'un VTC Uber Pop. Les taxis ne sont pas les seuls à être uberisés et le tournant économique et technologique, annoncé depuis longtemps par des auteurs tels que Richard Susskind ou Jeremy Rifkin est inévitable.

Ces transformations se font le plus souvent dans l'intérêt du public qui y voit une amélioration du public, alors que les taxis dénoncent de la concurrence déloyale et se placent comme des victimes en faisant référence à Charlie Hebdo par des affichettes évocatrices "Je suis Taxi".

Caliméros, va ! et maintenant, vous bloquez le périph' ? Cela résume votre profession.

Ce qu'il y a de choquant dans le discours des taxis, à mon sens, c'est qu'ils se prétendent victimes de concurrence déloyale. C'est prématuré, et donc inexact, potentiellement diffamatoire, voire cela pourrait constituer un acte de dénigrement (et donc de la concurrence déloyale) à l'encontre de la société UBER POP.

Il n'y a pas de concurrence déloyale entre un VTC Uber Pop et un taxi, sauf maraude


La concurrence déloyale est un comportement sanctionné par l'octroi de dommages-intérêts à la victime en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, sous réserve que ladite victime apporte la preuve d'une faute de la part de l'auteur des faits, d'un préjudice dans sa réalité et son quantum, et du lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, les taxis reprochent à Uber de fournir un service de VTC aux professionnels et aux particuliers par un système de réservation en ligne et sur mobile et de réduire conséquemment le nombre de courses réalisées par les "vrais" taxis... le tout sans avoir de diplôme à passer (juste un permis de conduire), ni licence à acquérir pour avoir le droit d'exercer.

Pire, tout le monde peu devenir VTC Uber Pop avec son véhicule de tous les jours.

Où est la faute ? Sauf preuve contraire, la profession de VTC est une profession réglementée, comme celle de taxi, mais elle ne répond pas aux mêmes normes. S'il y a inégalité entre taxi et VTC, c'est en raison de l'organisation qui a été prévue par le législateur.

Mais ni le chauffeur Uber Pop, ni la société Uber ne font de concurrence déloyale aux taxis, dès lors qu'ils ne se prétendent pas taxi, et dès lors qu'ils ne cherchent pas à attraper des clients dans la rue : le seul mode de prise en charge d'un client se fait par un système de réservation, hors bornes de taxis, exclusion faite de toute "maraude".

La maraude, y compris par voie électronique, monopole des taxis, est interdite aux chauffeurs Uber Pop


C'est le point de clarification qui avait été apporté par le Conseil Constitutionnel, par une décision du 22 mai 2015, et la loi Thévenoud du 1er octobre 2014 : Uber Pop ne peut pas marauder, c'est à dire attraper des taxis qui hèlent dans la rue.

Pire, le maraudage par voie électronique lui est également interdit. Le service original et ingénieux d'Uber permettait une géo-localisation des VTC disponibles autour de la localisation du smartphone et le calcul du temps d'arrivée dudit VTC jusqu'à l'emplacement du client. Ce service est réservé par monopole légal aux taxis.

C'est le seul point qui permettait encore avant cette loi et cette décision du Conseil Constitutionnel de dire que Uber Pop pouvait porter atteinte au monopole des taxis. Et encore, cette décision n'est pas forcément conforme au droit européen qui interdit les mesures d'effet équivalent ayant pour objet de créer des situations économiques de protectionnisme (ce qui est contraire au principe de libre échangisme des produits et services en Union Européenne).

Sans décision de justice définitive, accuser publiquement Uber Pop de concurrence constitue un acte de dénigrement et donc de concurrence déloyale


Voir les taxis accuser Uber de concurrence déloyale et se comparer aux victimes de Charlie Hebdo par des affichettes "Je suis Taxi" n'est pas acceptable. C'est même indécent.

Dans le service Uber, les clients y gagnent beaucoup : clarté des tarifs, réservation en ligne depuis une application dédiée... Les tweets et partages sur les autres réseau sociaux se font légion, et pas forcément au bénéfices des taxis.

C'est donc sur le seul point de la maraude que se joue la question de la concurrence déloyale et ce point de droit n'est pas encore définitivement tranché. Il est donc imprudent de prétendre le contraire, ce d'autant moins que pour l'instant, les taxis ne proposent pas de maraude électronique aussi performante de que celle d'Uber.

Et aujourd'hui, non contents d'avoir une procédure devant la Cour d'appel sur cette question, les taxis accusent à l'avance Uber de concurrence déloyale et font des opérations de blocage du périphérique parisien ? Bravo. Belle mentalité. Je ne prendrai plus jamais le taxi et je pense que je ne serai pas le seul.

Défendre votre profession, c'est votre droit. Emmerder le monde, c'est liberticide. Critiquer la concurrence, ce que n'a jamais fait Uber Pop, c'est du dénigrement.

Toutes les professions sont uberisées


C'était un sujet intéressant sur France Inter, il y a quelques jours de cela : l'uberisation inévitable de l'ensemble des professions, y compris des avocats avec des sites du type demanderjustice.fr ou les hôtels avec AirBnb.

Pour ma part, je comprends que l'Ordre des avocats et/ou le CNB agissent contre ce genre d'initiatives parfois malheureuses pour certains justiciables, pour défendre non seulement le monopole des avocats, mais aussi veiller à ce que les justiciables soient vraiment pris en charge correctement par des professionnels compétents.

Cependant, je ne résisterai pas à l'auto-critique : plutôt que de s'attaquer à la conséquence du mal, attaquons nous à sa source. En clair, libéralisons un peu l'exercice professionnel et soyons moins rigides sur les mode d'acquisition de clients et les services en ligne. Sinon, la guerre est perdue d'avance.

Si les taxis ne le comprennent pas, que les avocats le réalisent. Vite. Il faut sortir de ta coquille, Caliméro.

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